En 2015, Clément rachète à son père son exploitation de 45 hectares spécialisée dans le foin de Crau. L’autonomie et l’indépendance sont des valeurs puissantes pour Clément. Déjà à l’âge de 13 ans, il avait obtenu de ses parents de partir en internat et à 18 ans, il avait trouvé seul des investisseurs pour acquérir un grand mas, même si l’affaire ne s’est finalement pas faite. Aujourd’hui, il travaille avec une secrétaire et un ouvrier agricole.
Quand il reprend l’exploitation le travail est peu mécanisé, le ramassage des balles de foin se fait encore à la main, le tracteur et les outils de fenaison sont vétustes. Première étape, un investissement sur 7 ans pour renouveler tous les équipements : faucheuse, faneuse, andaineuse, emballeuse, groupeur de balles et camion-remorque. Les résultats ne se font pas attendre. En 3 ans, Clément a triplé son chiffre d’affaires.
Il est vrai que le foin de Crau bénéficie d’une histoire exceptionnelle. C’est le premier cas – et encore le seul aujourd’hui – d’un produit agricole non-vivrier à être préservé via une appellation d’origine contrôlée (AOC et AOP) enregistrée en 1997, grâce à une organisation locale volontariste et ancienne. Les balles de ce fourrage bio à haute valeur nutritive sont reconnaissables grâce à une ficelle rouge et blanche et sont proposées dans des tailles très diverses, du ballotin pour rongeurs domestiques à la très grosse botte pour les grands élevages de ruminants. Le foin de Crau est le fruit de pratiques d’irrigation gravitaires conduites par les agriculteurs eux-mêmes, dont l’origine remonte au XVIe siècle, lorsque les eaux de la Durance furent prélevées et acheminées par canaux vers la plaine de la Crau. Ce foin est si réputé qu’il fait les délices des grands chefs : Alain Passard à L’Arpège, Marc Veyrat ou Cyril Lignac ont élaboré des mets originaux, fumés au foin de Crau, qui donne aux viandes une saveur végétale particulière. Conscient de la nécessité de continuer à défendre cet écosystème historique, potentiellement menacé par l’extension anthropique, Clément est très investi dans l’action locale : il est membre du conseil d’administration du syndicat du foin de Crau mais aussi de celui du syndicat départemental des jeunes agriculteurs et il devrait prochainement intégrer le bureau du syndicat régional.
Être un chef d’entreprise accompli n’empêche pas Clément d’aimer faire la fête et il ne s’en prive pas. En véritable Millenial, il rêve de travailler juste pour le plaisir sans le stress du gain et de prendre sa retraite à 50 ans dans un grand mas de 200 hectares. D’ici là, il travaillera dur, voyagera et fondera peut-être une famille.